Le système de santé en France repose en grande partie sur un parcours de soins coordonnés. Pendant longtemps, le médecin traitant s’imposait comme le socle (unique) de ce dernier. Depuis quelques années, les autorités publiques ont souhaité donner plus d’importance aux autres acteurs du système de santé. Notamment à la profession infirmière. Les IDEL ont donc vu leur rôle dans la prise en charge des patients reconnu et officialisé. Mais cela est-il suffisant pour répondre aux enjeux qui s’annoncent pour la santé des patients de demain ? Les infirmiers libéraux doivent-ils être davantage mobilisés autour de cette indispensable coordination des soins ?
La coordination ses soins, une exigence au service de l’efficience du système de santé
Dans la politique de santé publique, de grands principes régissent l’organisation des soins. L’objectif étant d’offrir aux patients le parcours de soins le plus fluide et le plus efficace possible. La coordination des soins constitue un des piliers devant permettre l’atteinte de cet objectif. Cette dernière a été rappelée et même significativement renforcée lors de la dernière grande réforme du système de santé, initiée en 2017 : « Ma Santé 2022 ».
Favoriser la collaboration de tous les acteurs de la santé était alors un des grands piliers de cette réforme. L’idée : faire de l’exercice isolé une « exception ». Pour cela, inciter les professionnels libéraux de santé à s’engager dans la collaboration et l’exercice coordonné. Destinées à améliorer le parcours de soins du patient, cette coordination se révèle ainsi privilégiée pour :
· Les patients atteints de pathologies chroniques ou complexes,
· Les patients, dont le suivi implique une approche pluridisciplinaire,
· Les patients bénéficiant de soins à domicile.
Les IDEL apparaissent être un acteur clé dans cette ambition d’optimiser les soins dispensés au domicile des patients.
Coordonner tous les professionnels de santé pour optimiser la prise en charge des patients
Organiser plus efficacement ces soins repose donc sur une double approche :
· Favoriser la communication entre les différents acteurs des soins de ville : médecin traitant, infirmière libérale, pharmacien, masseur-kinésithérapeute, ….
· Renforcer l’efficacité des collaborations, et faire émerger des synergies entre les soins de ville et les structures de santé (hôpitaux, EHPAD, …).
Facteur clé pour une meilleure prise en charge des patients, la coordination. Celle-ci doit enfin garantir d’optimiser le temps de chaque professionnel de santé concerné. Une ambition, qui participe pleinement à une autre priorité des autorités publiques : la lutte contre la désertification médicale. De multiples dispositifs ont également été imaginés pour améliorer la prise en charge des patients. Au-delà des équipes de soins de proximité (ESP, ESS, …), le législateur a imaginé de nouvelles structures devant faciliter cette transition. Notamment les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) ou encore les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
Les IDEL sont pleinement concernés par ces nouvelles formes d’exercice professionnel. Ces derniers jouent un rôle encore plus fondamental dans la prise en charge des soins à domicile. En effet, ils s’imposent naturellement comme le lien privilégié entre tous les acteurs de la prise en charge. Par exemple avec les professionnel de santé, les auxiliaires de vie, le personnel médico-social, l’entourage des patients, …etc.
Les infirmières libérales, la référence pour garantir une coordination des soins efficiente
La loi du 27 décembre 2023 a officialisé le statut d’infirmier référent, dont l’objectif consiste à améliorer la coordination et l’accès aux soins des patients. Ce statut, même s’il reste optionnel, vise à faciliter et optimiser les actions en matière de prévention, mais aussi le suivi du patient ainsi que fluidifier les relations entre tous les acteurs engagés (médecin traitant, pharmacien, …).
Chargée de coordonner et superviser les parcours de santé du patient concerné, l’infirmière libérale référente engage sa responsabilité sur la conformité des soins dispensés et participe activement à l’amélioration continue des pratiques.
Offrant une réponse plus adaptée aux patients, l’intervention d’une infirmière libérale référente doit contribuer également à une réduction significative des coûts de santé (diminution des hospitalisations, des ré hospitalisations, …). Pour l’infirmière libérale, ce statut constitue une évolution significative vers davantage de reconnaissance avec une autonomie accrue. C’est enfin autour de l’infirmier référent, que vont pouvoir se développer des projets visant à améliorer les pratiques professionnelles en regroupant tous les professionnels de santé concernés.
Pour devenir infirmier / infirmière référent(e), le professionnel de santé devra justifier d’une expérience professionnelle de 3 ans en tant qu’IDEL mais aussi attester d’une formation en gestion de soins. La désignation d’un infirmier référent devra, comme pour le médecin traitant, faire l’objet d’une déclaration auprès de l’organisme de sécurité sociale. En juin dernier, l’Ordre National des Infirmiers (ONI) se félicitait du « décret relatif à la désignation d’un infirmier référent » pour les patients atteints d’affections de longue durée. D’autres textes sont attendus pour faire de l’infirmière libérale le pivot central de cette coordination des soins dans bien d’autres situations.
Pour la fédération nationale des infirmiers (FNI), ce décret représente une avancée significative pour la profession, même s’il implique une attention accrue sur les négociations qui devraient s’ouvrir dans les prochaines semaines : « Concernant la transcription de ce statut dans le champ conventionnel, celle-ci doit faire l’objet de négociations en 2025 dans le cadre d’un package intégrant l’ensemble des évolutions qui figureront dans la future loi infirmière. »
Faire évoluer la coordination des soins pour répondre aux enjeux de santé publique de demain
On comprend aisément, que cette coordination des soins fait partie des priorités du ministère de la Santé. Cependant, certains acteurs et de nombreux spécialistes du domaine de la santé souligne que le rôle conféré aux infirmières et infirmiers libéraux en la matière (infirmier coordinateur, infirmier référent, …) vise à répondre au manque de médecins généralistes. Traditionnellement, le médecin traitant est au centre du parcours de soins coordonnés. Pourtant, un rapport de 2022 du Sénat soulignait que plus d’un patient sur 10 (11 %) des patients de plus de 17 ans n’avait pas de médecin traitant. Ce constat inquiétant pour l’efficacité d’une coordination optimale se doublait d’une seconde réalité, mise en lumière par une étude de l’association UFC Que Choisir ? de 2019 : Un médecin généraliste sur deux refusait à l’époque tout nouveau patient.
La mise en œuvre d’un statut d’infirmier référent, un choix optionnel, sera-t-il suffisant pour compenser cette réalité cruelle de la pénurie de médecins généralistes ? D’autant plus que toutes les études démographiques soulignent les tendances des prochaines années : vieillissement de la population, augmentation des pathologies chroniques, … C’est une interrogation pour les infirmiers libéraux et plus généralement pour tous les acteurs du système de santé ? Des réponses et des solutions devront être apportées dans les prochaines semaines et dans les prochains mois. Celles-ci devront compléter l’officialisation attendue de certaines mesures déjà annoncées mais toujours sans concrétisation, comme en ce qui concerne les infirmières de pratique avancée.
La coordination des soins représente donc un pilier de l’organisation du système de santé en France. Cette dernière a même été renforcée pour répondre aux défis et aux enjeux de demain. L’infirmière libérale y occupe une place centrale, que les pouvoirs publics ont souhaité sanctuariser en créant le statut d’infirmier référent. Toutefois, il reste encore beaucoup à faire pour optimiser l’efficacité de cette coordination des soins. Les IDEL peuvent donc légitimement s’inquiéter de la situation politique instable, que traverse notre pays. Une situation, rendant hypothétique des décisions majeures et des avancées significatives sur l’ensemble des sujets les concernant.